[Faol]

Cette année-là, nous pensions que l'été était simplement chaud, comme il arrive souvent. Un cycle tout à fait naturel que nous observons régulièrement dans la nature. Cela se produit plus ou moins tous les 20 à 30 ans. Évidemment pour vous humains, cela se produit si rarement que vous le remarquez davantage et là vous vous emportez sur la fin du monde, vous priez les dieux de vous épargner et de sauver les récoltes. Mais nous, qui respectons les saisons et qui avons une perspective différente de la vie, nous pensions, à tort, que c'était dame nature qui faisait des siennes. Ah, comme nous aurions dû vous écouter!

Je me rappelle très bien de cet événement, j'étais à peine âgée de 40 ans à l'époque. Je dansais et batifolais dans une clairière avec mes amis et quelques fées et dryades. Nous discourions passionnément de l'effet du soleil et de la chaleur sur la couleur des feuilles des arbres en buvant du vin fait de rosée du matin.

Alors que mon amie Sssstylik, l'une des dryades gardiennes de la clairière et du plus vieux chêne de la forêt, expliquait sa théorie, un bruit de tonnerre se fit entendre. Des centaines d'animaux passèrent à travers la clairière en courant, complètement affolés. Nous avons failli être écrasés par ceux-ci habituellement si respectueux de nos rencontres.

Nous nous sommes retournés pour essayer de voir ce qui avait bien pu causer une telle panique, mais nous ne pouvions rien voir à travers l'épais feuillage de la forêt, rien d'autre qu'une lueur grandissante. C'est à ce moment que les dryades en visite se mirent à hurler de douleur et à s'embraser. Les yeux de mon amie Sssstylik s'écarquillèrent d'horreur devant le sort qui allait probablement être le sien.

La lueur s'intensifiait et la chaleur aussi. Grimpant adroitement sur le grand chêne, j'aperçus alors le plus vaste incendie de forêt jamais vu dans l'histoire du vieux peuple. Je redescendis aussitôt et faisant appel à notre magie innée et acquise nous formâmes rapidement un cercle autour du grand chêne dans le but de le protéger.

Si nous n'avions pas été autant, le gardien de la forêt y aurait certainement passé. Certains sont décédés, mais nos efforts ont prévalu. Le chêne fût épargné. Mais il ne restait plus rien que des cendres à perte de vue.

Ce n'est que plus tard que j'appris que le feu avait ravagé une grande partie du continent. La magie du vieux peuple avait protégé notre ville, mais le territoire des hommes avait brûlé comme jamais.

Les nains affirment que la chaleur a grandement surpassé celle de leur forge. Certains affirment même avoir gardé une parcelle de ce feu qui brûle sans cesse comme le coeur d'une étoile. Oui, oui, nous parlons parfois aux nains.

C'était il y a environ 180 ans. Lors de la deuxième vague de chaleur, nous étions prêts et nous avons pu limiter les dégâts. Cependant, nos érudits se sont penchés sur la question et ils prévoient un désastre d'une ampleur qui dépasse l'imagination, car une troisième vague de chaleur s'en vient.

- Jesabelyoltylel de la maison Fae'Kenandra
grande prêtresse du cercle de l'eau