Un fait d'arme unique? Une action épique? Un moment comique? Un événement qui a marqué l'imagination des joueurs en présence? Hum... La liste est longue...
Allons-y pour le comico-tragique (qui dans ce cas-ci relève du point de vue).
C'était une partie où les joueurs avaient opté pour des personnages evil, dans une campagne où j'étais le maître de jeu, il y a de cela 7-8 ans. Cette campagne avait duré pas loin de deux ans au total, et c'est encore aujourd'hui un sujet de discussions sur le bon vieux temps quand on se retrouve tous ensemble (la vie nous a éloignés les uns des autres...
).
Le personnage impliqué est un fighter thiefling lawful evil, qui vénère les Nine Hells comme seul un lointain descendant d'une créature de ce plan peut le faire. Sa conviction est profonde, sa voie est tracée: il veut servir Belial, le Lord du 4ième plan des Nine Hells, le Général des armées des enfers.
Puisque je suis le genre de maître de jeu à encourager les quêtes personnelles, quitte à devoir organiser des rencontres en solo ou à tout simplement en jaser par e-mail, j'étais prêt à le suivre dans ses désirs de voir son personnage offrir ses services à Belial.
Après de multiples recherches, le personnage en question acquiert peu à peu les informations et les ressources nécessaires pour se rendre dans les Nine Hells, puis franchir les divers obstacles bureaucratique et autres (que voulez-vous, la loi c'est la louaaaaaaa!) pour atterrir sur le 4ième plan des Nine Hells, dans la cité où siège Lord Belial.
C'est la suite qui est comique ou tragique, selon la perspective du moment...
Après de multiples tergiversations, le personnage réussit à obtenir une audience avec Belial pour lui offrir ses services. (C'est alors que mon fun commence!) Bien évidemment, un tel seigneur ne choisit pas pour le servir le premier venu. Je lui fais donc passer des épreuves variées, connaissances, énigmes, tests d'habileté, etc. Mais c'est le test ultime qui sera une torture psychologique pour le joueur...
Dès le début des aventures dans cette campagne, je jouais un NPC pour supporter le groupe (ils étaient seulement 3 joueurs et j'avais opté pour cette option à bas niveau). Le NPC étais une drow cleric, chaotic evil. Elle avait sauvé la vie du personnage en question à au moins deux reprises, et avait été un atout considérable au groupe. Elle voyait les membres du groupe comme des instruments qui la servaient dans ses objectifs, plutôt que des véritables alliés, mais tant et aussi longtemps que les projets satisfaisaient tout le monde, le groupe n'en faisait pas de cas.
Belial ne voyait pas la chose du même oeil... Pour le test ultime à son futur champion, Belial souhaitait valider la loyauté indéfectible du personnage, et il n'y avait qu'un moyen de le faire: que le personnage tue la drow pour démontrer sa fidélité et sa loyauté.
Lorsque Belial annonce cette dernière épreuve, le personnage est devant son maître, qui siège sur son trône, dans une grande salle du palais. Des portes s'ouvrent au même moment et deux colosses escortes une drow enchaînée au milieu de la pièce. Celle-ci, que le personnage reconnaît comme étant son alliée, crie toutes sortes de bêtises et démontre sa colère, sa rage et son mépris envers le personnage...
Ces événements, nous les avons joués ensemble, dans une mini partie à laquelle les autres membres du groupe n'assistaient pas. À ce moment, dans les yeux du joueur, je pouvais lire l'incapacité totale à se décider. Pendant de longues minutes, remplies uniquement de soupirs de désespoirs, le joueur ne savait pas quoi faire. Belial patientait, impassible. L'ordre avait été donné, et ne serait pas changé. Le joueur se prépara à affronter la drow à contre-coeur. Sa loyauté envers la drow avait été grande, mais là il devait y tourner le dos, et la décision était difficile à accepter. On enleva les chaînes à la drow, on lui donna arme et armure, puis le combat commença...
Tout au long du combat, le joueur hésitait à y aller avec vigueur, pendant que son adversaire se battait avec hargne et désir de vengeance. Le joueur avait volontairement opté pour n'attaquer qu'un coup par round, bien qu'il possédait deux attaques par round à ce niveau, et donc le combat fut long et pénible. Mais avec ses capacités physiques supérieures, il avait tout de même pris l'avantage et la drow perdait beaucoup de sang et ne tenait plus debout. Un ordre retentit dans la salle: "Tue-la!" Le joueur hésite. Il soupire encore plus. Me regarde alors que je suis impassible, tel le seigneur des Nine Hells que je personnifie. Il soulève son épée, puis frappe la drow à l'aide d'une attaque en subdual damage pour ne pas la tuer. Se tournant vers Belial, le personnage s'adresse à lui (à peu près dans ces termes... ça fait longtemps...): "La tuer ne ferait pas de moi un meilleur serviteur que je ne le suis déjà. Ma loyauté est indéfectible à votre égard, seigneur Belial. Et vos ordres sont mes devoirs. Cependant je ne serais pas ici devant vous si cette drow ne m'avait pas sauvé la vie, alors me demander de la tuer équivaudrait à dire que ma présence ici n'aurait pas dû se produire...". Le personnage s'agenouille devant Belial, la tête inclinée vers l'avant, attendant sa réponse...
L'inquiétude du joueur n'a d'égal que la sueur qui coule sur son front en ce moment précis... Hehehe! Je vois encore son visage perturbé qui attend mes paroles... Ah! La vie de DM evil! Quelle joie! Surtout qu'après quelques instants, Belial étant resté imperturbable jusqu'alors, le seigneur du 4ième plan des enfers se met à rire de satisfaction, et d'un geste de la main fait un signe à la créature qui git sur le sol. Celle-ci se lève en riant, à la grande surprise du personnage et du joueur, et se transforme en créature des enfers devant ses yeux...
Il avait passé le test, du moins à la satisfaction de son nouveau maître, il ne combattait cependant pas son alliée, mais une créature qui avait pris sa forme. Les joies de la déception et du mensonge! Les devils en sont les maîtres!
********************************************
Après cette mini-rencontre, le joueur a passé pas loin d'une demie-heure avant le début de la partie suivante à raconter ce qui s'était passé, et comment il s'était senti... Encore à ce jour, il m'en parle encore. De bien beaux souvenirs!
It's good to be evil!
